L’influenceuse mal influencée (partie 1)

Dans la Mini BD AGENCE REGLE TOUT 01 – Mauvaise influence – on découvre que la mère d’une jeune adepte des réseaux sociaux est en détresse : non seulement sa fille n’a plus de vie de famille, mais elle influence aussi les autres jeunes dans le mal. On remarque aussi que cette mère n’y est pas pour rien du comportement de sa fille bien-aimée, et que son hygiène de vie à elle non plus n’a rien d’exemplaire. L’insouciance et la légèreté du monde virtuel font qu’il est aussi facile d’y accéder que difficile d’en sortir. Mais pourquoi donc tant de gens s’y réfugient ?

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État des lieux

Pour quelle raison cette jeune fille s’invente-t-elle une vie ? Pourquoi cette envie de briller ? Et lui, pourquoi prend-il cette pose ? Pourquoi est-ce si important pour lui d’apparaître devant une voiture de luxe ? Dans une villa louée qu’il n’aura peut-être jamais les moyens de s’acheter ? Et même si tout cela lui appartient, pourquoi ressent-il ce besoin d’afficher sa réussite matérielle ? De se montrer ? Beaucoup de gens sentent qu’il y a un réel malaise derrière ces comportements. Mais d’où viennent-ils ? Et à qui la faute ?

Pas de fumée sans feu

Tout d’abord, si nous sommes parents ou proches d’une personne touchée par ce fléau et qu’on y voit réellement un malaise, la question s’impose : où étions-nous avant qu’ils n’en arrivent là ? En effet, si mon enfant fait tout pour briller dans le regard des autres, c’est peut-être aussi, et avant tout, qu’il ne s’est pas assez senti exister dans le mien. Où étais-je avant qu’il ou elle ne devienne une star des réseaux sociaux ? Et à quoi bon tirer sur l’ambulance en me plaignant de son comportement si c’est moi qui l’ai éduqué  ? La vraie question n’est-elle pas plutôt : « Comment réparer ? » C’était l’option facile de laisser son enfant devant la tablette, avec une brique de jus et un paquet de chips afin d’avoir la paix. Mais ce n’était qu’une trêve… Que pouvait-on espérer de cette tranquillité volée sur le long terme ? Des prodiges ? Une génération spontanée ? 

Un mal à plusieurs niveaux

Il existe une machine qui – mal utilisée – peut mettre à mal l’humanité présente en chacun d’entre nous. Avant, elle était dans la rue, loin. Aujourd’hui, elle est dans nos poches. Comment s’en protéger ? Comment en tirer profit ? Même en étant préparé, l’utiliser présente des risques. Alors que dire du stade où le seul moyen de faire cesser ton enfant d’hurler consiste à baisser les bras en lui remettant cet écran qu’il réclame pour jouer ? N’est-il pas temps pour nous de remettre en cause notre rapport au monde connecté ? Comment faisaient-ils avant pour que leurs enfants ne pleurent plus ? Laissaient-ils leurs ados s’enfermer dans leur chambre, seuls, avec on ne sait qui ? Le petit écran a effectivement rempli un vide dans les familles, mais c’est loin d’être gratuit, et certainement pas dans leur intérêt. 

S’éduquer pour éduquer

Cette femme désemparée est loin d’être la mère d’une héroïne de fiction, elles sont des milliers à lui ressembler. Atteinte elle-même du mal qu’elle redoute pour sa propre fille, et en connaissance de cause, elle est désarmée. Elle sait très bien que lui confisquer son téléphone ne va pas fournir à sa fille ce qu’elle y cherchait. Ce vide qu’elle ressent elle-même, cet ennui qui la pousse à se confier à son petit écran comme on le ferait avec un ami imaginaire, ou avec un mari attentionné, qui va les combler ? Maman ne sait pas. Et papa non plus d’ailleurs. Faut-il rire ou pleurer quand on sait quel réflexe ils auront pour « réfléchir » sur le sujet ? Avant d’espérer être en mesure de remédier au mal, il faut déjà l’avoir cerné. 

Du temps et beaucoup d’amour

Voilà deux ingrédients qui font sans aucun doute partie du remède. Mais à condition de savoir en donner à nos enfants tels qu’ils sont, pas uniquement à ceux qui ont réussi à devenir tels qu’on les voulait. Aujourd’hui, l’échange n’est pas un luxe, l’urgence est palpable et le danger à portée de main : soit on fait comme s’il n’existait pas, soit on retrousse nos manches et on essaie d’accompagner. Alors oui, ça prend du temps, de longues heures d’échanges même, et beaucoup d’amour et de miséricorde face aux faux-pas. Effectivement, ce n’est pas toujours évident d’écouter les confidences de ses propres enfants en se contenant et sans s’énerver, mais comment faire autrement si on espère qu’ils soient eux-mêmes ?  On veut la vérité, ou qu’ils jouent un rôle pour être en paix ? Et leur silence aussi nous dit des choses : pour bien conseiller, il faut avant tout savoir écouter, et prendre le temps de bien digérer les faits avant de répondre. Car l’émotion et la colère ne sont pas bonnes conseillères. Nos enfants n’auront pas indéfiniment peur de nous. Si on n’a pas réussi à devenir leurs confidents, que va-t-il nous rester ? Avant, lorsqu’un enfant partait en stage ou en formation, c’était directement au monde des adultes auquel il était confronté. On essayait tant bien que mal de l’y préparer, de lui donner des conseils. Aujourd’hui, ce monde d’adultes est sans cesse à sa portée. Et, paradoxalement, on prend de moins en moins de temps pour le lui expliquer…

(À suivre…)

Aboû Aḥmad