Dans le Tome 3 de la Série : Walad et Binti – Enquêtes et Imbroglios – on voit un père aller jusqu’à tricher pour que son fils puisse « réussir » là où lui a « échoué ». Au-delà du malaise de cette scène, déjà triste à bien des niveaux, un problème de fond se pose quant à l’éducation de nos enfants et de nos aspirations à leur sujet. Attention à ne pas se tromper de « victoire »…
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Recadrage
Il est des gens qui n’ont pas réussi à atteindre leurs objectifs et le vivent mal. Cet échec leur laisse un goût amer dans le cœur, un sentiment d’inaccompli et d’injustice face à ce qu’ils auraient dû « devenir » ou « obtenir ». Tout d’abord, cette compréhension doit être recadrée et corrigée. En effet, rien de ce que tu n’obtiens pas ne devait te parvenir, tout comme rien de ce qui te parvient ne devait parvenir à autrui. Une fois que tu as fait tous les efforts possibles et de ton mieux pour provoquer les causes censées t’assurer ce que tu vises, remets-t’en à ton Créateur et accepte Son décret te concernant : il se peut que ce que tu visais aurait été la cause de ta perte si tu l’avais obtenu, Lui Il sait, et toi tu ne sais pas.
Triste vie
Quiconque n’applique pas ce qui vient d’être énoncé face au décret d’Allah, Exalté soit-Il, vit avec le sentiment d’avoir une revanche à prendre. Soit il perd goût à tout et vit dans la déprime ressassant sans répit, l’erreur « fatale » du jour de son échec ; soit il est atteint d’une sorte d’orgueil, doublé de mauvaise foi, et s’acharne de fait sur ceux qui ont « réussi » là où il a « échoué » : il devient alors un critique acerbe, intransigeant et excessif à l’égard des faux pas d’autrui dans le domaine. Douleur sur douleur, il passe ainsi sa vie à être aigri de sa situation et à s’attrister de la réussite des autres. Car même s’il prétend à qui veut bien l’entendre que ces derniers sont des incapables, il sait très bien que là n’est pas le problème. Et s’il ne le sait pas, c’est pire encore, car alors c’est le diable qui le lui a fait oublier.
Transfert malsain
Une réaction encore plus grave que ce qui vient d’être énoncé, c’est lorsque le parent fait un transfert sur son enfant et que ce dernier devient le sujet de sa fixation, le remède à sa frustration. L’enfant en question doit alors devenir ce que lui – ou elle – aurait dû être, selon ses croyances erronées. C’est un calvaire qui commence alors pour l’enfant : il n’a ni son mot à dire, ni le droit à l’échec. Poussé à tout prix, suivi de si près qu’il en étouffe et sous pression continuelle, il vit dans la peur de décevoir. Ses goûts, ses aspirations ? Il n’a jamais eu l’occasion d’y penser. Ou si, peut-être, mais en les refoulant avec le sentiment d’être égoïste et ingrat à l’égard de ses parents. Prisonnier d’un rêve qui n’est pas le sien, même la réussite dont se vantent ses parents ne lui procure pas le bonheur escompté. Tout simplement parce qu’elle n’est pas la sienne…
Le réel échec
Quelle que soit ta passion, ce que tu perçois d’échecs et de réussites qui y sont liés, ne laisse ni ton âme, ni le diable te faire oublier l’essentiel : tu as été créé pour adorer ton Créateur. Et c’est ton comportement vis-à-vis de cette charge qui t’a été imposée par Lui qui fera que tu goûteras, ou non, la réussite ou l’échec éternels, les vrais, ceux sans retour ni rattrapage. Au-delà de cette réalité, tout peut être relativisé. Reprends-toi et réfléchis-y sérieusement. Car être conscient à ce sujet c’est la clé du bien-être et de la liberté ici-bas et dans l’au-delà ; et c’est là que se trouve la véritable réussite.
Chacun ses rêves
Quant à tes enfants, écoute ce qu’ils ont à te dire. Ils sont l’objet de bon nombre de tes espoirs, et c’est normal, mais ne les étouffe pas pour autant en les forçant à devenir ce que tu aurais voulu être. Enseigne-leur à être de bons musulmans, à être honnêtes, serviables, à ne pas mentir et à ne pas tricher ; et apprends-leur aussi à gagner leur vie d’une manière qui leur attire la bénédiction d’Allah, Exalté soit-Il, car c’est aussi un aspect important de leur éducation, et parce qu’ils doivent apprendre un métier et acquérir un savoir-faire leur permettant de vivre en ce sens. Eux-aussi ont leurs rêves, si seulement tu les laissais en parler… Il se peut que ces rêves aient besoin d’être aiguillés, accompagnés ou redirigés. Mais la balance doit pencher en fonction du licite et de l’illicite, pas en fonction de tes échecs mal digérés. Ils n’ont pas besoin de devenir ce que tu aurais aimé être, ils ont besoin de ton amour, de ta sagesse et de tes conseils éclairés ; que tu les accompagnes en douceur vers cet idéal leur permettant, avec l’aide d’Allah, de s’accomplir en étant épanouis et apaisés. Toi qui aime la compétition, voilà bien un défi qui mérite d’être relevé…
Aboû Aḥmad



